18/05/2021
[Communiqué de la Coordination nationale des intermittents et précaires, le 16/05/2021*]
HONTE AUX ÉVACUATIONS !
Honteux ! Publié en première page du site du théâtre de l'Odéon, l'appel à lever les occupations de directrices et de directeurs de prestigieux lieux culturels nationaux est honteux.
L’argumentaire mensonger qui y est déployé semble tout droit copié du « plan com » gouvernemental. Comment ne pas y voir autre chose que de la manipulation médiatique ? Comment ne pas y déceler une basse instrumentalisation des publics ? Tant l'exposé consiste à réduire et à caricaturer le combat mené par les occupantes et occupants.
Non, Messieurs Braunschweig et Dorny et Mesdames Makeïeff et Mayette-Holtz, il ne s’agit pas du combat sectoriel et masturbatoire d'un secteur culturel uniquement préoccupé par soi et par son nombril. Cette lutte-là, celle qui consiste à réclamer plus de subventions pour sa trésorerie, à utiliser la colère de celles et ceux qui sont dans la précarité pour réclamer des garanties d'ouverture à une ministre complice, cette lutte-là est la vôtre. Pour ces revendications-là, vous avez raison, le dialogue est ouvert avec le gouvernement. Mais en doutiez-vous sincèrement ?
Vous ne concédez soutenir une contestation que lorsque celle-ci répond exactement à vos besoins, avec ce cynisme inouï de laisser à d'autres le soin de lutter à votre place et de prendre des coups.
Mesdames et Messieurs les directrices et directeurs, avez-vous seulement pris la peine de lever la tête et de lire les banderoles accrochées au fronton de “vos” grandes maisons ?
Vous y liriez que nous n'avons rien obtenu.
Rien.
Des miettes.
La réforme mortifère de l'assurance chômage a-t-elle été abandonnée ?
Les millions de précaires, dont les autres intermittents de l'emploi hors spectacle ont-ils eu la chance d'avoir des mesures d'urgence leur permettant de survivre depuis 18 mois ?
Quelle année blanche ont donc obtenu les 2 millions intermittents de l'emploi (leurs cousins du spectacle, ceux qui font vivre vos théâtres et vos scènes ne sont que 120.000 à être indemnisés).
Les étudiants, les jeunes, ont-ils enfin des réponses à leurs sacrifices ?
Les droits maternité et congés maladies de toutes et tous ont-ils enfin été rétablis pour l’ensemble des assuré·e·s de ce pays ?
Si vous savez lire autre chose que vos propres éditos, emplis de grandes phrases humanistes dans vos programmes, vous savez pertinemment que non, nous n'avons rien obtenu.
Rien.
Des miettes.
Des miettes, ce qui reste finalement de l'héritage de Jean Vilar et de votre honneur.
CE QUE NOUS VOULONS, NOUS LE VOULONS POUR TOU·TE·S!
Avez-vous oublié que c'est dans des théâtres que les communards tenaient leurs réunions, tandis que l'Assemblée nationale se constituait, elle, au Grand Théâtre de Bordeaux ?
Que, en mai 1968, l'Odéon accueillait des ouvriers pour des AG enfiévrées ?
Que, depuis toujours, le théâtre est le lieu où se mêlent poésie et agoras publiques ?
Que, en ce moment, c'est l'honneur des lieux culturels que de retrouver leur vocation ?
Celle d'être des maisons du peuple où s'échangent et se frottent les idées et les cultures ?
Votre mesquinerie est effrayante.
Vous avez privatisé l'idée même de Culture. Les théâtres doivent-ils devenir des lieux où l'on s'accorde à laisser aux acteurs le soin de représenter le peuple, sans que ce dernier ne puisse s'y présenter lui-même ?
En choisissant le camp de vos maîtres, vous actez un divorce profond. Ce faisant, vous allez brûler derrière vous les dernières illusions de notre utilité publique en tant qu'artistes dans l’opinion. Vous entérinez ainsi le fait que les théâtres ne tendent pas à l'émancipation de toute la population, mais qu’ils servent uniquement à caresser le loisir d'une élite bourgeoise, tout en confortant un ordre conservateur. Nous avons bien plus de légitimité à accueillir en ce moment dans les lieux de culture que nous occupons avec des intermittent·e·s de l’emploi de secteurs tout autant empêchés que le nôtre, des personnes dont les impôts servent aussi à nous subventionner. Nombre d’entre elles n'avaient jamais osé y mettre les pieds jusqu’ici. Nous préférons donc, et de loin, cette ouverture plutôt que nous gargariser avec vous dans l'entre-soi d'un buffet indécent de première.
Nous vous laissons à votre conscience. Celle-ci est de Droite, contrairement à ce que vous pensez, sans doute.
Car comme le disait Deleuze : “Être de gauche, c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; Être de droite, c’est l’inverse.”
Pensez-vous vraiment qu'il suffise de déclarer que certains ont obtenu quelque chose pour qu'ils décampent, en laissant les autres crever la gu**le ouverte ? Nous vous laissons la honte d'un tel égoïsme.
APPEL AU MAINTIEN DES OCCUPATIONS!
MOBILISATION GÉNÉRALE!
Pour ce qui nous concerne, nous appelons au maintien des occupations. Car nous croyons davantage à la compréhension des publics, des spectatrices et spectateurs, à leur intelligence sensible, humaine et politique. Comment s'insurger contre des personnes qui se mobilisent activement pour que toutes et tous obtiennent de quoi vivre dignement, qui crient à la fondation d'un monde durable, mutualiste social et solidaire, maintenant ?!
Nous nous insurgeons contre toute évacuation.
Tout dernièrement, celle du Théâtre de la Cité à Toulouse est une honte inadmissible.
(*) D'après la réponse ouverte de Renaud Frugier à la basse publication "Appel à lever les occupations", récemment signée par Stéphane Braunschweig, directeur de l’Odéon-théâtre de l’Europe ; Serge Dorny, directeur de l’Opéra national de Lyon ; Macha Makeïeff, directrice de La Criée Théâtre national de Marseille Muriel et Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice.
CE QUE NOUS DÉFENDONS, NOUS LE DÉFENDONS POUR TOUTES ET TOUS!