06/03/2024
[La minute du droit du travail] La procédure de licenciement de l'arbitre Stéphane Lannoy par la FFF
Stéphane Lannoy est, depuis le 1er janvier 2023, Directeur de l'Arbitrage à la FFF ( fédération française de football ) en tant que responsable de l'arbitrage professionnel. C’est donc sa profession.
Or les médias nous apprennent que ce dernier vient d’être convoqué à un entretien préalable au licenciement pour le mercredi 6 mars.
Il semble que cette convocation soit liée à un motif disciplinaire.
Le fond de l’affaire nous importera peu. Car ce qui motive mon choix d’en faire une vidéo est le fait que la décision serait déjà prise par l’employeur.
En effet, le Figaro indique que «son sort est scellé», selon plusieurs sources. Une information confirmée par le Dauphiné et 20minutes.
Et c’est là que le bât blesse.
Car si Stéphane Lannoy est effectivement licencié, il pourra contester son licenciement en justice, et les juges pourraient lui donner raison. Ou pas. Pourquoi ?
En matière de licenciement, que dit la loi ?
Lorsqu’un employeur pense qu’un salarié a commis une faute, d’une gravité telle que son maintien dans la structure qui l’emploie est compromise, il doit d’abord le convoquer à un entretien. Cet entretien est qualifié de préalable car il se situe avant la décision de l’employeur de garder ou pas le salarié. Et pour ceux qui se posent la question, il n’y a en principe qu’un seul entretien. Quand il y a en a deux, c’est que l’employeur a commis une erreur. D’ailleurs, on peut très bien ne pas se faire licencier après un entretien préalable. C’est rare, mais ça arrive.
L’entretien a pour but d’apporter la possibilité au salarié de donner son point de vue avant que l’employeur ne prenne sa décision. C’est une obligation pour l’employeur, mais le salarié n’est pas obligé d’y aller. Et s’il y va, il n’est pas obligé de répondre aux questions qui lui sont posées ni de donner son point de vue.
Ensuite, l’employeur doit attendre au moins deux jours ouvrables pour notifier sa décision.
Mais que se passe-t-il si l’employeur donne sa décision avant les deux jours ouvrables, voire même avant l’entretien préalable ?
Le cas s’est déjà produit et la cour de cassation a donné son avis :
« l'employeur avait annoncé publiquement, avant la tenue de l'entretien préalable, sa décision irrévocable de licencier le salarié ; La cour d’appel en a exactement déduit l'existence d'un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse » (cass. soc. 23 octobre 2019, n° 17-28800 )
De même, ne pas annoncer le licenciement, mais interdire au salarié de venir travailler en exigeant qu’il rende les clefs du local suffit à constater le licenciement. Et envoyer une lettre de licenciement juste après ne sert à rien : c’est trop t**d ! (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mars 2011, 09-65441 )
Dans le cas de Stéphane Lannoy, que sait-on ?
Deux médias disent que le sort du salarié est déjà scellé. Est-ce suffisant pour constater que l’employeur a déjà pris sa décision ?
Eh bien non. Ce n’est pas suffisant, car ces sources soi-disant bien informées ne peuvent très bien être que des racontars basés sur rien du tout de tangible.
Sauf si…. Si l’employeur a déjà fait connaitre sa décision via un mail qui aurait fuité, ce serait la preuve que le licenciement a déjà eu lieu. Mais encore faut-il avoir la preuve….
Ou il faudrait le témoignage d’un dirigeant de la FFF attestant que la décision a déjà été prise et qu’il en a été le témoin direct. Pas évident.
Bref, en dehors de toute preuve ou témoignage direct, même si le sort de Stéphane Lannoy est déjà scellé, il aura bien peu de chances de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les médias ont affirmé que la décision avait déjà été prise avant même l’entretien préalable au licenciement.
[La minute du droit du travail] La procédure de licenciement de l'arbitre Stéphane Lannoy par la FFFStéphane Lannoy est, depuis le 1er janvier 2023, Direct...