28/03/2024
DVA ET INTERFÉRENCES
Nous sommes en Février pendant les vacances, je suis pisteur-secouriste et une avalanche nous a été signalée sur le domaine. Il n’y a pas de témoignage concernant d’éventuelles victimes mais comme le veut la procédure, par précaution nous nous rendons sur les lieux pour effectuer une recherche. Nous constatons plusieurs signaux qui apparaissent, disparaissent nous baladent et nous mettent dans le doute. Finalement après plusieurs heures et vérifications nous ne constatons aucune victimes … nous en profitons pour vérifier également notre matériel et constatons plusieurs phénomènes étranges, notamment des interférences importantes liées à nos radios de travail géolocalisées (voir vidéo sur fcbk Conscience Montagne) qui brouillent le signal. Sachant que nous avons effectué plusieurs PIDA (Plan d’Intervention de Déclenchement Avalanche) dans ces conditions, l’efficacité de nos appareils et la sécurité individuelle sont clairement remis en cause.
Les équipements et notre environnement change, l’électronique est de plus en plus présent et les ondes ( téléphone, radio, wi-fi … etc) sont partout. Nous devons nous adapter et le prendre en compte lors de nos activités.
Pourquoi je vous raconte cela ? Car en loisir comme en professionnel, l’efficacité de nos DVA sensés nous permettre de retrouver ou d’être retrouvé en cas d’avalanche peut-être fortement compromis voir inefficace si l’on ne prend pas quelques précautions d’usage !!
# Les principes de base :
Les DVA sont pour l’essentiel des radios qui fonctionnent en communiquant sur une bande de fréquences internationalement acceptée, 457 kHz. Un DVA en mode émission émet une impulsion de signal toutes les secondes, définie par la norme ETSI-EN-300 718-1. Lorsqu'il est mis en mode recherche, le DVA écoute les impulsions de signal à proximité et affiche des informations de distance et de direction pour aider à localiser les DVA émetteurs des victimes d’avalanche. Plus l’on s’éloigne d'un DVA émetteur, plus le signal devient faible. Lorsque sa portée utile maximale est activée, un DVA en mode recherche « écoute un murmure ». C'est à ce moment-là que les DVA sont les plus sensibles aux interférences électromagnétiques.
De part mon travail et de nombreuses heures en loisir ou en exercice dans la montagne à utiliser du matériel, je suis forcé de constater que plusieurs sources d’interférences peuvent perturber nos DVA. Ces sources peuvent êtres actives (éléments électroniques en fonctionnement) ou passives (tout objet métallique ou magnétique) et bien souvent ces sources se trouvent en premier lieux dans notre équipement !!
# Sources passives :
Les emballages métalliques types paquet de gâteau, plaquette de chocolat ou encore pomme-pote, les pelles métalliques, gourdes, couvertures de survie, certains isolants thermiques que l’on retrouve dans des vestes, les aimants que l’on retrouve dans certaines attaches … voici quelques exemples de sources passivent qui peuvent réduire jusqu’à 30% la portée de nos appareils en émission comme en réception (sources ANENA). Vous pouvez facilement faire le test lors d’un exercice de recherche en plaçant une tablette de chocolat devant votre DVA, les résultats sont flagrants.
# Sources actives :
Tout appareil électronique qui consomme de l’énergie comme les caméras, appareils photos, drones, montres connectées, gps, téléphones, radio mais aussi les gants chauffants par exemple peuvent générer des signaux et perturber les DVA. Il faut aussi prendre en comptent les nombreux appareils extérieurs qui peuvent se trouver à proximité lors d’une session en station de ski par exemple …. télésiège, antennes, ligne électrique, wi-fi et autre installation ou véhicule en fonctionnement.
Encore une fois faites des test et vous verrez, comme dans l’exemple cité en introduction, que l’on peut capter des « Faux signaux » ou des « signaux fantômes » (signaux résiduels) qui vous induisent en erreur et peuvent coûter cher en cas de réelle urgence !! Plus l’appareil électronique est consommateur d’énergie plus le risque d’interférence est important et pour un DVA, plus il a une longue portée, plus il est potentiellement sensible aux interférences.
# Les conséquences :
- En émission, le risque est tout simplement de ne pas être retrouvé, les ondes ne pouvant être émises correctement, c’est comme si vous criez « à l’aide » avec les mains sur la bouche, ça ne marche pas !
- En réception, on peut-être dirigé sur un « mauvais signal », passer à coté d’une victime et perdre beaucoup de temps. On peut ne pas capter le signal d’une victime, bref les conséquences peuvent êtres très graves.
# Les solutions :
- En mode émission, il est nécessaire de placer tout appareil électronique, matériel métallique ou magnétique à plus de 20 cm du DVA (recommandation de l’UIAA) … et encore, en bonne intelligence je vous conseille par exemple, de ranger ce que vous pouvez dans votre sac quand le DVA est devant vous. Le téléphone dans une autre poche, de préférence en mode avion. Si vous avez une radio comme moi au travail, désactivez la géolocalisation. Éteignez tout ce qui n’est pas indispensable, votre vie en dépend.
- En mode réception, la distance nécessaire est de 50 cm entre le DVA et tout autre objet !! En gros on éteint tout ce qui n’est pas indispensable à la recherche … caméra, radio, téléphone … etc et on les place à distance. Lors d’une recherche si un appel téléphonique doit-être passé, la personne doit se mettre à minimum 10m de la recherche en cours … 25m d’après Mountain Safety Info.
Certains modèles de DVA très récents permettent d’être alerté en cas de suspicion d’interférences et vous suggère de réduire la bande de recherche.
Certains sacs airbag électriques peuvent causer des interférences, pour la recherche il est conseillé de laisser votre sac à distance (10 m). Sur les DVA récents une mise à jour est nécessaire pour être compatible avec ce type d'équipement, les constructeurs évoluent sans-cesse sur le matériel.
Apprendre à reconnaître un signal fantôme c’est possible, à condition de s’entraîner régulièrement. On ne vous le dira jamais assez, c’est sur le terrain, en pratiquant un maximum que l’on acquière de l’expérience et des automatismes afin d’être prêt et efficace le jour où …
On ne vous le souhaite pas bien-sur, mais des vies peuvent en dépendre.
N’oubliez pas, le meilleur matériel c’est le votre quand vous le connaissez …
Bon ride, bonne glisse à tous.
Antoine BRUNA-ROSSO
- Pisteur secouriste
- Formateur en secours en montagne
et en déplacement hivernal
Sources :
ANENA : Association Nationale Étude Neige et Avalanche
UIAA : Union International des Association d’Alpinisme
Mountain Safety Info