08/01/2022
FRANGIPANE, une histoire très italienne !
« Gallette des rois » en France, ‘Crostata" ou "Torta frangipane’’ (tarte) en Italie. Différentes, mais les 2 ont en commun la farce qui s’appelle « frangipane ». Voici un peu d’histoire…
« SON NOM ». Le nom de cette crème vient d’une puissante famille italienne « Frangipani » (Frangipane), dont on a des traces déjà à l’époque de la Rome médiévale.
« Comment est-elle arrivée en France ? »
Il semble certain que la « recette de la crème » aurait été offerte par le comte Cesare Frangipani à Catherine de Médicis à l'occasion de son mariage en 1533 avec le futur roi de France.
(offerte par le comte ou par la comtesse… ça on ne sait pas ! En tout cas ce n’est ni lui, ni son épouse, qui l'ont inventée ! Peut-être ses cuisiniers/ères ? Peut-être existait-elle déjà ?).
« LES INGREDIENTS ? »
Ce qui est certain, c’est la présence incontournable des ‘‘amandes’’. Pour les autres ingrédients, œuf, sucre et beurre, incontournables aussi, et selon les recettes avec quelques rajouts : liqueur, lait…
Mais surtout, la version italienne et celle française divergent.
En Italie la Frangipane est souvent plus épaisse par la présence de la farine de blé, plutôt une « farce frangipane » sur une pate brisée.
La version française est plus crémeuse, parfois mélangée avec de la crème pâtissière, donc une « crème frangipane » entre de la pâte feuilletée.
« UN DESSERT ET UNE FLEUR ? »
Et là, un petit mystère ! Il existe bien une fleur, le Plumeria (o Pomelia en Sicile) appelée communément Frangipane, d’où la confusion.
Est-ce qu’au temps de Caterina de’ Medici on connaissait cette fleur au parfum envoutant ? (qui ne s’appelait pas encore Plumeria, il faut attendre le XVIIème siècle). Et est-ce qu’il y avait cette essence florale dans la crème ?
Pourquoi pas ? Le botaniste italien Muzio Frangipani, l’aurait découverte aux Antilles. On cite l’île d’Antigua, et on parle de 1493. Mais si on pense que les Amériques ont été découvertes en 1492, soit il était dans une des Caravelles de Christophe Colomb, ou alors avec des voyages successifs.
En tout cas, il n’est pas impossible que cette plante, qui fleurit même coupée, soit arrivée en Italie, et qu’une trentaine d’année après ait atterri parmi les cadeaux de noces de la florentine Caterina de’ Medici.
Mais ses feuilles, son écorce, son lait et ses fleurs étaient toxiques, comme toutes les plantes de la famille des Apocinacee. Comment pouvait-elle être utilisée en cuisine ? Ou alors à l’époque on savait comment extraire l’arôme des fleurs, sans le venin ?
Parce que si on cherche bien, aux quatre coins du monde on trouve des soins à base de cette plante, en partant des Maya, en Amérique centrale, en passant par l’Orient et l’Inde avec la médecine ayurvédique.
Personnellement je pense qu’il y a quelque chose encore à découvrir à son sujet.
Vous l’imaginez le comte Frangipani (ou la comtesse) aller visiter la très jeune Caterina de’ Medici pour lui apporter en cadeau de noces une recette de dessert ? Non bien-sûr.
Sauf, sauf, si cette crème contenait un ingrédient très particulier. La fleur de Frangipane avait la caractéristique de continuer à fleurir même après avoir coupé la branche. C’est pour cette raison qu’elle est appelée l’arbre de ‘‘l’immortalité et de la renaissance’’.
Et si l'on sait la passion que Catherine de Médicis vouait à l’astrologie, à l’ésotérisme et aux poisons. Il ne faut pas plus pour fasciner la jeune future reine de France.
En même temps, il faut dire aussi que dans les cuisines de l’époque on n’aimait pas vraiment l’odeur de l’amande, vu qu’elle était tellement proche d’un poison très à la mode, le cyanure
(attention aux amandes amères d’abricot qui en sont très riches !). Donc très bizarre un dessert à l’odeur d’amande.
En tout cas, aujourd’hui cette essence florale n’est surtout pas présente dans la crème Frangipane. Le délicieux parfum de l’amande est plus que suffisant.
Pour compléter l’explication sur le nom, en 1522, le prêtre et botanique espagnol Francisco de Mendoza, est le premier qui décrit la plante. Mais c’est seulement au XVII siècle qu’elle est classifiée par le moine botaniste français Charles Plumier, et appelée donc en son honneur, Plumeria
« LA RECETTE »
Maintenant on s’attaque à qui a inventé la recette, qui, comme je l’explique très souvent dans mes vidéos, est toujours née bien avant son nom.
Sur cette recette il y a plein d’hypothèses. J’en liste quelques-unes.
On démarre début 1200. Les moines franciscains croyaient que ce gâteau (qui ne s’appelait pas encore ‘‘frangipane’’) avait été créé par Giacoma de’ Settesoli, v***e de Graziano di Frangipani, seigneur de Marino (connue aussi comme Jacopa de' Settesoli e come frate Jacopa).
C’est Saint François d’Assise lui-même qui cite ses délicieux gâteaux dans sa dernière lettre avant de mourir. Il faut dire que Giacoma, n’était pas seulement une appréciable cuisinière, mais une femme qui dirigeait ses grands domaines au Latium avec grande humanité, et qui avait inspiré Saint François pour la création d’un ordre religieux dédié aux laïques, le ‘‘Troisième ordre’’.
Est-ce qu’il s’agit de ce gâteau romain aux amandes que Cesare Frangipani avait fait découvrir à Catherine de’ Médicis trois cent ans après ? Pourquoi pas ?
Au même siècle il existe un autre Muzio Frangipane, un marquis romain, parfumeur, inventeur d’un parfum qu’on croit proche de la fleur Plumeria, au point de rivaliser avec les parfumeurs florentins de la Renaissance.
Mais aussi on parle de Maurizio Frangipani, un religieux italien, passionné par les parfums, qui aurait été le premier à faire des expérimentations sur les essences et l'éthanol. Quelle période ? Est-ce le même ? Une autre piste à suivre pour voir s’il y a un lien avec le fameux dessert. Parce qu’à l’époque les parfums on les mettait partout !
Maintenant nous passons au XVIIe siècle, avec Pompeo Frangipani, petit-fils de Muzio Frangipani, marquis et maréchal dans l'armée de Louis XIII, qui aurait créé l'arôme de frangipanier pour couvrir l'odeur du cuir des gants et des chaussures.
L’hypothèse que son pâtissier ait en parallèle utilisé ce parfum en cuisine ne me semble pas trop crédible, mais pourquoi pas ?
Par contre qu’on crée une liqueur aromatique, c’est une piste que je dois encore explorer (la suite de mon enquête dans un prochain épisode que je dévoilerai dans ma future vidéo sur la crème Frangipane)
« LA FORME ? »
En France elle s’est glissée entre 2 ronds de pâte feuilletée, la « Galette des Rois » (appelée aussi ‘‘Gâteau des Rois’’, ou ‘‘galette parisienne’’).
Et là il y a aussi plein de choses à dire, en creusant dans l’histoire, par exemple à partir du XIVème siècle on parle d’un gâteau feuilleté qui servait pour payer les redevances seigneuriales (mais pas de crème Frangipane dedans !)
En Italie elle remplit une base de pâte brisée et se présente comme une ‘‘crostata’’, une "torta" (tarte)
(mais je vous invite à vous abonner à ma chaîne Youtube La Cuisine de Marina Miroglio pour voir mes prochaines vidéos sur cette recette, et sur d'autres desserts avec la Frangipane)
« LA DATE »
En Italie, comme en France c’est le 6 janvier, mais en Italie cette date est associée à la Befana, la sorcière gentille qui vient visiter les enfants, alors qu’en France est associée à la visite des Rois mages à l’enfant Jésus.
« LA FEVE ? »
Etonnement, ca remonte à une antique tradition romaine, aux cours des Saturnales, les fêtes de fin décembre, début janvier. Pendant une journée dans chaque grande famille patricienne, les anciens Romains utilisaient une fève pour tirer au sort parmi leurs esclaves le ‘‘Prince des Saturnales’’ ou du désordre, le « roi d’un jour », pour conjurer les jours néfastes.