08/05/2023
L'Europe n'est pas le berceau des grands découvreurs...
🔴 Ibn Battûta, le Marco Polo berbère
On pense parfois que les grands découvreurs sont tous partis d'Europe. Zheng He (dont nous avons déjà parlé) et Ibn Battûta nous montrent que ce ne fut évidemment pas le cas.
Lisez plutôt.
Abu Abd Allah Muhammad Ibn Abd Allah al-Lawati al-Ṭanji Ibn Battûta de son nom complet est un explorateur d’origine berbère, né à Tanger en 1304. Sa vie nous est principalement connue par ses récits de voyage qu’il dicte à Ibn Juzayy al-Kalbi après son retour définitif au Maroc en 1355. L’ouvrage qui en résulte, les Voyages (ou Rihla), est par conséquent le résumé de plusieurs décennies de pérégrinations jusqu’aux confins du monde arabe (et même au-delà), entrecoupés de six pèlerinages vers La Mecque (le Hajj, un des cinq piliers de l’islam).
Les nombreux périples d’Ibn Battûta furent facilités par plusieurs facteurs (non, il ne s’agit pas des préposés de la Poste…). D’une part, la plupart de ses déplacements eurent lieu en terres d’islam, souvent dans des pays de langue arabe. Le voyageur profita, d’autre part, du large essor du commerce dans le monde musulman, en se joignant tantôt à des caravanes, tantôt aux équipages des navires marchands.
À l’âge de 21 ans, Ibn Battûta quitte donc Tanger pour se rendre à La Mecque. Lors de son périple, il traverse le Maghreb central, la Libye et remonte la vallée du Nil qu’il doit finalement redescendre, faute de pouvoir traverser la mer Rouge à cause de la situation politique locale. C’est là que le pèlerin se transforme en voyageur. De retour au Caire, Ibn Battûta ne rejoint pas directement la ville sainte : il gagne la Syrie en passant par la Palestine et le Liban. Ce n'est qu’après avoir vu plusieurs villes syriennes qu’il part de Damas pour rejoindre Médine, la ville du Prophète et finalement, La Mecque, sa destination initiale.
Vous vous dites qu’une fois ce pèlerinage accompli, notre ami serait retourné bien gentiment dans ses pénates ? C’est mal le connaître ! Profitant du départ d’une caravane de pèlerins irakien pour Bagdad, il en profite pour rejoindre le Tigre et l’Euphrate et, de là, partir découvrir la P***e.
Retourné à La Mecque pour un deuxième hajj, le Berbère prend alors le large (au sens propre comme au figuré). Il longe les côtes de la mer Rouge qu’il traverse pour atteindre la corne de l’Afrique et poursuivre son périple jusqu’à Zanzibar et la côte swahilie. Il regagne ensuite la péninsule arabique par Oman et le détroit d’Ormuz afin de faire le hajj pour la troisième fois.
Malgré toutes ces aventures, et bien qu’il ait accompli son devoir de musulman déjà trois fois, Ibn Battûta ne rejoint toujours pas son Maroc natal. En 1332, il entreprend le plus impressionnant de ses voyages. Celui-ci le mène jusqu’en Crimée, sur les terres de la Horde d’Or et, à travers l’Asie centrale et l’Afghanistan, jusqu’en Inde. Depuis le sous-continent débute une nouvelle série de périples vers Ceylan, Sumatra, la Malaisie et finalement la Chine.
Ce n’est qu’après être allé jusqu’au bout du monde qu’Ibn Battûta retrouve Tanger. Il en repart dans la foulée et traverse le Sahara en direction de Tombouctou. Celui qui ne devait quitter le Maroc que pour faire le pèlerinage de La Mecque n’y revient définitivement que 30 ans plus t**d. On dit que les voyages forment la jeunesse… Voilà assurément un homme à qui la jeunesse éternelle a souri !
Remarquons pour finir que – tout comme dans le cas de Marco Polo – il n’est pas impossible qu’une partie de ces voyages ait été imaginaires… les érudits en discutent encore.
Ci-dessous : Cette belle carte résumant les voyages d’Ibn Battûta est accessible librement sur le site Web de l’Encyclopædia Britannica.