03/12/2021
Certains pères disent : « Je n’ai pas envie… pas maintenant… je suis occupé… »
Honte et privilège.
Et ta femme, tu crois qu’elle a envie ? Peut-être. Peut-être pas. Peut-être qu’elle est épuisée, au bout du rouleau, mais qu’elle fait quand même, car sinon qui le fera ? Qui nourrira son bébé ? Le portera ? Le changera ?
Les pères s’investissent, de plus en plus. Moi-même, je me considère comme un père investi. Mais, en prenant un peu de recul, je réalise aussi que je suis un immense privilégié. Si je veux aller aux toilettes, j’y vais. Si j'ai besoin de faire du sport, je me débrouille toujours pour trouver un moment. Inconsciemment, je pense : « Elle assure. » J’ai beau faire, beaucoup et avec application, je n’ai pas un centième de la charge mentale de Marianne.
Je ne dis jamais « Je n’ai pas envie », mais parfois je dis : « Attends. » Ou alors : « Je reviens vite, je vais me défouler. » Et quand c’est l’inverse, quand Marianne veut prendre un peu de temps pour elle, je pense : « Ok, allez, c'est ton tour. » Pas sûr qu’elle se dise la même chose. Elle fait, c’est tout.
Hier, Swann pleurait. Je n’ai pas attendu que Marianne s’en occupe : je l’ai pris dans mes bras, et je lui ai donné un bain libre. Tout seul, comme un grand. Dans ma tête, une petite voix m’a félicité. Pas sûr que Marianne ait dans sa tête une petite voix qui la félicite.
Je crois que beaucoup de pères ont dans la tête une petite voix qui les félicite car, inconsciemment, ils savent qu’ils ont le choix. Ils ont DECIDE de changer leur fils ou de nourrir leur fille, alors qu’ils auraient pu faire autre chose. Les mères, elles, n’inscrivent pas leurs actions dans un schéma d’alternatives, car elles portent la charge mentale du foyer et de la famille. Si elles ne font pas, qui fera ? L’homme ? Peut-être, mais pas sûr.
Je suis fier d’avoir donné un bain libre à mon fils, et que tout se soit bien passé. J’ai le droit d’être fier, car s’occuper d’un nourrisson est un défi, et rien n’est jamais gagné. Mais je n’oublie pas la chance que j’ai. Car, à côté de ces instants choisis et précieux, il y a le rouleau-compresseur du quotidien. Et, sans Marianne, celui-ci m’aurait déjà écrasé.