28/03/2020
Bretagne
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Témoignage. « Nous transportons des personnes fragiles et nous n’avons pas le droit aux masques »
Les chauffeurs de taxi font partis de ceux qui continuent aussi à travailler au contact des gens, notamment pour les transporter à l'hôpital. Ils réclament plus de protection.
Publié le 27 Mar 20 à 18:50|Modifié le 27 Mar 20 à 18:58
Les chauffeurs de taxi continuent à transporter des personnes fragiles sans masques pour se protéger eux et leurs clients. (©Illustration / Adobe Stock)
Samir Attieh est chauffeur de taxi. En temps normal, il gère une entreprise avec 2 autres conducteurs qu’il a mis au chômage partiel pendant la période de confinement. « De 50 courses par jour, il n’y en a plus que quatre par semaine », indique le président de Bretagne de la FNAT, le syndicat des artisans chauffeurs de taxi.
Il pousse un coup de gu**le auprès de l’Agence Régionale de Santé de Bretagne ce vendredi 27 mars. Il réclame plus de protection avec des masques et des gels. « Nous ne sommes pas prioritaires pour les recevoir alors que nous transportons aussi des personnes fragiles ».
« Nous sommes obligés d’acheter au marché noir »
Samir Attieh précise que les courses qu’il effectue sont toujours majoritairement pour le transport de soin. « Que ce soit en temps normal ou en période de confinement, les transports concernent majoritairement des personnes âgées qui ont encore besoin d’effectuer des analyses médicales ».
Pour les protéger, on désinfecte le véhicule, les poignées des portes, les sièges entre chaque trajet. Mais tout ça avec notre propre matériel qu’on est parfois obligés d’acheter au marché noir.
De l’ARS, Samir Attieh a reçu une consigne : « ceux qui présentent des symptômes douteux on ne prends pas ». En plus de l’absence des transports d’enfants, il sait qu’il gagnera beaucoup moins à la fin de mois :
On estime nos pertes entre 85% et 90%.
Une solution venant des hôpitaux ?
Pour pallier cette perte, les hôpitaux de Vannes et de Lorient ont proposé aux chauffeurs de taxi de transporter le personnel soignant. Samir Attieh a refusé. « Le personnel soignant a des chances d’être contaminé ».
Tant que je n’ai pas ces masques et la protection nécessaire je ne le ferai pas.
Et quand bien même il les obtiendrait, difficile pour lui de savoir s’il sera payé pour les trajets domicile vers l’hôpital. « Je ne ferme pas la porte définitivement mais il faudra parler rémunération ».
Comment convaincre un salarié de travailler s’il n’est payé que dans deux ou trois mois ? Beaucoup de paramètres rentrent en compte.
« Pas de salaire ce mois-ci »
Avec cette grosse perte de clientèle, les journées sont très longues et stressantes. Il doit aussi tenter de rassurer ses salariés inquiets. « C’est difficile car je ne sais pas quoi leur dire. Je ne peux pas leur promettre quoi que ce soit puisque moi même je ne sais pas comment faire ».
Samir Attieh craint de ne « pas pouvoir verser de salaire ce mois-ci ». D’autant qu’il sait qu’il doit encore verser des charges à la fin du confinement. « Je ne sais pas avec quel argent je vais pouvoir payer tout ça ».
Je demande non pas le report des charges mais son annulation pure et simple.
Quoiqu’il en advienne pour les prochaines semaines de confinement, il sait, comme beaucoup d’entreprises, que stabiliser à nouveau la situation s’annonce difficile. « Je pense que je vais mettre un an à remonter ».