27/11/2022
Merci à toi Olivier de nous partager ta passion et surtout de participer de façon très modeste à cette forme d’écosystèmes.
« L’important n’est pas le but mais le chemin que l’on prend pour y arriver »
Amitiés
Armand et katherine
Amis Amapiennes et amapiens bonjour.
Le temps d’un premier bilan est venu. Une bonne partie d’entre vous ont répondu présent virtuellement en répondant au questionnaire de satisfaction ce qui m’a permis de mieux comprendre un certain nombre de choses, de désirs, d’attentes.
Tout d’abord, il apparait que la très grande majorité d’entre vous êtes satisfaits autant de la quantité (parfois trop, j’y reviendrai) que de la qualité des produits. Vous êtes unanimes sur mon éthique, mon attitude envers vous et cela me réjouis, car je m’efforce d’être au plus proche de vous pour toujours mieux répondre à vos besoins.
En ce qui concerne les légumes, il apparait quand même que la diversité a manqué et que la saison estivale fut un peu longue, bien que je ne sois pas responsable de la météo locale.
Comme certains d’entre vous le savent, je reviens de 15 ans en Israel, où j’ai travaillé dans différents coins donc climats et terroirs ainsi que populations. Israel est un pays aux milles facettes, et j’ai appris à composer avec le désert, les tropiques, les montagnes ou le littoral. J’ai appris à vivre et répondre aux attentes des russes, des français, des américains, des yéménites, et tant d’autres populations d’origines géographiques, cultuelles et culturelles différentes.
Aujourd’hui je découvre la Provence verte, mon terroir, les habitants, et tout ce que cela peut impliquer en terme d’adaptation.
J’ai donc en décembre dernier, lors de ma première commande de plants pour cette année, dû faire des choix (accompagné par ma pépiniériste) aussi bien vis à vis des légumes à cultiver, de la variété à choisir que de leur période de plantation, et ce avant même de connaitre vraiment ma terre, et vous mes futurs amapiens.
J’ai donc fait le choix par exemple de ne pas planter de rhubarbe, de topinambours, ou de tétragone cornu et de privilégier les blettes, les courgettes ou les poivrons. Mais dans chaque famille de plante, il y a des variétés, et toutes ne fonctionne pas de la même manière. Toutes ne s’adaptent pas aussi bien les unes que les autres au terroir. Par exemple, les courgettes - un grand sujet dont nous pouvons parler en face à face pour essayer de réduire ce texte qui promet de ne pas être des plus courts. J’avais, afin de maximiser le potentiel de réussite choisis 4 variétés de courgettes, dont seulement 2 ont bien fonctionnées. Les deux autres ont eu, soit un rendement très bas, soit une tendance à devenir très vite très spongieuses et donc immangeables. Il en va de même pour les tomates, où seules les tomates cerises ont vraiment bien fonctionnées, les cornues ou les roses furent un fiasco. Les aubergines et les poivrons, par contre, furent tous une grande réussite (trop grande).
J’ai donc fait des choix variétaux et quantitatifs qui me semblaient les plus avisés pour cette première année (je vous rappelle que les premiers légumes furent plantés en avril 2022.)
La production de persil, de basilic, de blettes et de chou kale fut bien plus importante que prévue, et le nombre de plants mis en terre était du coup totalement disproportionné.
Bref, vous avez compris. 1 ère année, des choix, des réussîtes, des échecs et on apprend.
Dans les échecs à noter, les pommes de terre, où mon fournisseur ayant abusé sur le retardateur de germination il n’y a pas eu de germination, donc de tiges, donc de nouvelles pommes de terre.
Les patates douces ont végété une bonne partie de la saison, et j’ai préféré les laisser en terre pour m’assurer que nous en aurons pour l’année prochaine. Les épinards plantées en fin mars sont parties directement à graine, donc aucune récolte ne fut possible. Les choux fleurs que l’on m’a conseillé de planter mi aout ont tous cramés et sont morts (il en reste 6 sur presque 400 de plantés). Les brocolis et les romanescos pour une parti furent défoncés par les sangliers à l’automne, malgré la clôture électrique, et les fenouils de printemps perdus pour la plupart à cause de l’attaque surprise des limaces.
En ce qui concerne les quantités que certains d’entre vous ont jugées trop importantes dans les paniers. N’aimant pas gâcher et afin de, je le pensais, faire plaisir à mes premiers amapiens pour les remercier de leur soutien, je n’ai pas lésiné sur les quantités des produits disponibles. C’est ainsi que des semaines durant, vous avez eu 2 variétés de basilic, de grosses bottes de persil, de grosses bottes de blettes, de chou kale. Avec vos retours, j’ai bien compris que vous auriez préféré avoir une semaine de la blette, une semaine du chou kale, une variété de basilic et des bouquets de persil moins généreux. On apprend et on évolue.
En ce qui concerne la diversité des légumes proposée, comme exposé précédemment, il a fallut faire des choix en terme de variété et de quantité. Pour l’année prochaine, je diversifierai plus les cultures afin de permettre à vos délicats palets de ne pas se lasser d’un légumes ou d’un autre. On m’a demandé ce que cela impliquait de changer le contenu des paniers toutes les semaines. Et bien simplement un peu d’organisation (dans la mesure où il y a suffisamment de produits pour faire des rotations). Pour reprendre l’exemple du dessus, au lieu d’avoir toutes les semaines blettes, chou kale et arroche, il suffit de mettre une semaine blette, une semaine kale, une semaine arroche. Donc tout est possible, dans la mesure où les demandes sont faites.
La production maraichère est un art dont le vrai maitre d’oeuvre est mère nature. On apprend à vivre avec, à composer avec, à faire au mieux. Quand la sécheresse s’abat sur les cultures, elles souffrent et nous avec. Quand le gel s’invite à la fête elles souffrent et nous on est pas mieux. Quand le vent vient sécher les jeunes pousses, on fait au mieux. Quand les limaces sont là, soit on tue tout l’écosystème avec des poisons « bio » soit on se lève tous les matins à 3h pour aller ramasser 4h durant les limaces à la frontale avant d’enchainer sur la journée normale de maraicher (14h en été et, heureusement, seulement 8h en hiver).
Pour ce qui est des légumes d’automne et d’hiver, comme mentionné précédemment, première année, découverte, réussites, échecs. Je sais que vous auriez voulu plus de choux fleur (et pas des choux fleurs dont les inflorescences commencent à monter à fleur, ou des rejets des plants principaux, même si doux, et délicats, ce n’est pas du choux fleur). Mais en AMAP, mon but est aussi de vous fournir à manger et de la nourriture saine. Si je ne vous mettais que les betteraves et pas leur fanes (car ainsi sont elles vendues en magasin) cela ne serait pas honnête, car elles se mangent et sont source de nutriments. Il en va de même pour les feuilles de tous les choux, leur tige, leur fleur, leur cosse et même leur graine. Pourquoi devrais-je donc les traiter différemment?
En ce qui concerne la taille des légumes, ou de certains d’entre eux tout du moins. Ici encore, je suis en apprentissage des désirs et habitudes des uns et des autres. Les petites courgettes de supermarché, ce n’est pas mon truc. Une courgette pleine d’eau qui n’a que peu de gout, ce n’est pas mon truc. Mais j’ai bien compris que pour nombre d’entre vous, les grosses courgettes même si elles sont goûtues, qu’elles se conserve super bien, ce n’est pas ce que vous attendez des courgettes. Cela sera donc pris en compte l’année prochaine dans le choix variétal, et les modalités de récolte.
Au sujet des nouveaux légumes à prévoir pour l’année prochaine, les carottes sont les plus plébiscitées. Hors le sol que j’ai pour le moment ne me permettra pas de cultiver de la carotte type nantaise (longue et orange) par contre la carotte ronde devrai se plaire à merveille. Je vais donc faire l’essai l’an prochain.
Le radis, le céleri, et céleri rave, les épinards d’été seront aussi sur la liste puisque demandés.
La rhubarbe à ma grande surprise fut aussi demandée ainsi que les artichauts. Qu’à cela ne tienne, les deux feront parti des plants mis en terre l’an prochain
Vos avis sur les achats groupés furent mitigés. Je vais donc voir comment m’organiser et vous proposerai à l’avance de vous inscrire à chaque fois que j’aurai une occasion de faire des achats groupés avec la première amap de France (les Olivades à Ollioules)
J’en viens maintenant à mon propre retour d’expérience sur cette première saison.
Tout d’abord, mon avis global est qu’elle fut bonne. Une productivité beaucoup plus importante qu’attendue sur un grand nombre de fruits et légumes, aucune maladie ou champignon n’est venu décimer une culture entière (je mets à part les limaces dont je parlerai un peu plus bas), et dans l’ensemble une série de choix variétaux plutôt adaptés au lieu et au climat (attendons l’hiver quand même).
S’installer sur un nouveau terrain est difficile. Connaitre son sol, la faune locale fut elle grande ou minuscule, la flore spontanée (communément appelée mauvaise herbe) qui donne énormément d’information sur le sol, avec parfois des énigmes, comme cette plante semblant vivre au niveau racinaire en symbiose avec les larves d’un insecte, mais je finirai bien par savoir qui elle est, et qui vit dans des kystes ou nodules sur ses racines.
Quand je regarde en arrière, cela fait 10 mois que j’ai acquis le terrain, 7 mois que j’ai planté les premiers légumes et je vois tout ce qui a été accompli. En terme de travail, et de taches accomplies, c’est colossal. Parfois j’ai l’impression d’être là depuis deux ou trois ans! Mais je n’ai même pas encore fait une année. 150 tonnes de composte étalés, 150 tonnes de broyât étalés puis enfouis, creuser des centaines de mètres de tranchées à la pioche et pelle pour enterrer les canalisations principales d’irrigation, le montage de toutes les lignes d’irrigation (environ 200), la plantation des 200 arbres et buissons, les milliers de plants maraichers, la taille des arbres, des plants, leur entretien, les heures de récolte, les presque 500 tonnes de broyât épandus de façon bien organisée sur les lignes de cultures pour améliorer le sol sur le long terme, et je ne parle pas de toutes les autres taches innombrables qui constituent la création d’une entreprise agricole, et l’entretien d’un terrain de 2ha…
Dans les 7 mois qui viennent de passer, le plus dur est d’établir un réseau de clientèle. Vous êtes une vingtaine d’amapiens et cela me réchauffe déjà le coeur de vous voir toutes les semaines. Sans compter le fait que de nouveaux amapiens se rajoutent encore, voulant soutenir le mouvement, les produits bio que je cultive avec amour; et aussi surement un peu quand même pour manger sain et améliorer leur santé, car comme dit le dicton, la première des médecines est notre alimentation.
Nous sommes à 1/3 des 60 amapiens dont l’exploitation aurait besoin pour être équilibrée financièrement. Donc il nous faut « recruter » de nouveaux amapiens. En février 2023 j’organiserai une réunion publique avec vous, mes fidèles clients et des curieux ou des intéressés par l’exploitation afin d’échanger sur le sujet et qu’ils puissent échanger avec vous sur le sujet.
Dans cette première saison le plus dur a été cette histoire de limaces. Et oui. Lorsque l’on crée un écosystème, tout peut arriver, et cela commence souvent en bas de la chaine trophique. Les limaces servent à recycler la matière organique en décomposition (et j’en ai beaucoup) et aident à lier la structure du sol grâce à leur mucus (un peu à la façon des vers de terre, mais plus en surface). Mais tout aussi utiles soient elles, elles peuvent ravager une ligne de culture en une nuit. Dans la nature, staphylins, carabes, orvets, hérissons, crapauds et autres s’en nourrissent et équilibrent leur population. Or dans un écosystème aussi jeune que celui qui je suis en train de créer, j’ai du jouer des mois durant le rôle de prédateur nocturne… dur dur. Dur physiquement, car avec mon seau, ma frontale et beaucoup de patience, il faut les ramasser une par une. Dur psychologiquement, car je suis un seul prédateur pour des milliers (voire des dizaines de milliers) de limaces et on a l’impression de ne jamais en voir le bout. Dur pour le moral car on se dit que si on m***e, c’est beau d’avoir une éthique mais si on a pas de légumes à vendre à quoi cela sert il? Heureusement, j’ai réussit à les réguler suffisamment pour n’avoir que des dommages très limités et un impact sur l’écosystème très limité (et oui, avec l’orthophospate de fer, super poison à gasteropodes, on empoisonne aussi leur prédateur qui du coup ne se développent pas, ne se multiplient pas et on se retrouve dépendant à vie de ce produit pour gérer tous les ans le problème)
L’attaque de sanglier, n’ayant pas été un hasard, un peu comme certaines affichent arrachées dans le village, on se demande si on est le bienvenu, et puis l’accueil de tellement de gens étant si positif, on reprend confiance. Oui, perdre des cultures est difficile à vivre surtout la première année, mais on replante.
Je n’ai pas la chance de pouvoir m’octroyer le luxe du temps libre. Cette année je vis, je dors, je rêve, je mange matin midi et soir, AMAP Permavar. Mes loisirs ont disparus, ma famille occasionnellement vue, et mon temps personnel inexistant. Mais attention, je ne me plains pas. Je me lève dans un cadre idyllique, je fais un métier que j’aime, même si peu valorisé malgré sa très grande utilité, je suis au grand air tous les jours, je rencontre des gens formidables sur l’exploitation… mais voilà, seulement sur l’exploitation. J’aimerai avoir le temps de découvrir le village, sa vie, ses habitants. Avoir la possibilité de parfois aller faire un repas un midi avec un ami rencontré lors d’une balade VTT. Et je me dis que cela viendra. Chaque chose en son temps.
Donc pour reprendre, cette première saison/année, malgré des difficultés et quelques déceptions fut une bonne année.
Je vais oeuvrer maintenant à plus de diversité dans les plantations, et donc dans les paniers, à encore mieux vous connaitre pour répondre encore mieux à vos attentes, à trouver des partenaires pour vous permettre d’avoir accès à plus de produits sains et bio à des prix honnêtes.
Je suis toujours ouvert à la discussion, aux suggestions, à entendre vos avis, vos opinions, vos critiques. Venez prendre un café, un thé à la maison une après midi, un soir pour discuter, échanger. Venez faire un tour avec vos enfants, vos amis, votre famille ou seul pour voir d’où viennent vos légumes, comment ils sont produits et pourquoi pas, venez un jour nous donner un coup de main, vivre la vie du maraicher une heure ou deux, ou une journée entière.
Je vous remercie toutes et tous pour votre soutien, votre patience, votre compréhension.
Très belle journée à vous.
Paysannement votre
Olivier, votre maraicher.