28/12/2023
83-eme jour de cette P… de guerre.
Une crêpe fleurie,
Demain, c’est déjà le week-end, cette semaine a été une réelle course contre la montre. J’ai terminé très t**d tous les soirs et je suis éclatée de fatigue. C’est exactement ce que je veux. Etre épuisée pour réussir à dormir.
Hier, sur la looooooongue route pour le sud, je voyais ce flux incessant de camions, de hammer, de tanks militaires. Cela devient comme une normalité, un décor qui m’interpelle moins.
Les routes sont redevenues normales. Mais je n’arrive pas à profiter des si beaux paysages du sud d’Israël. Ils sont tatoués par le 7 octobre.
Quand le premier mois je descendais, cette route était horriblement dure, car il y avait encore beaucoup de voitures brulées sur les bas-côtés, des chaussures, des sacs, des objets. Je me racontais des histoires sur certains objets. Je pleurais beaucoup sur ces routes.
Aujourd’hui tout est nettoyé, il ne reste que les buissons ou les arbres brûlés qui rappelle que le massacre du 7 octobre a existé et c’est pour cela que nous les anéantirons. Je les hais tous les jours un peu plus que la vieille.
Le premier mois, je n’arrivais même pas à regarder dans les yeux les soldats, je me protégeais, je ne voulais pas m’imprégner d’eux, ou pire encore j’avais peur de les reconnaître le soir aux tristes informations. Mon contact n’était que par le biais de la crêpe.
Aujourd’hui, je les écoute, je discute, je ris même avec eux. Hier, j’ai parlé longuement avec une soldate maman de 3 petits enfants qui est réserviste depuis le 7 octobre. Elle me confiait ses difficultés, l’engagement sans fin de ses parents nouvellement retraités, de leurs fatigues, de ses enfants un peu perdus, de son mari réserviste aussi qu’elle n’a « rencontré « que 3 week-ends depuis le début de la guerre.
Alors on s’habitue à « vivre » une vie dite « normale «, mais il n’y a absolument rien de plus léger ou de moins dramatique. Nous avons déjà 500 soldats morts, nous n’avons aucune nouvelle de nos otages. Chaque jour est un enfer pour tous, mais un enfer connu avec des sursauts de terreur, de survie et aussi de rires et légereté. J'ai meme fait une commande par internet chez Zara!
Mais cette semaine, après une éclipse de plus de deux mois où je me suis improvisée experte en crêpes et en maman éphémère , me voilà de retour dans l'univers magique, dans mon monde celui de la décoration florale.
La guerre m'a éloignée de mes décorations florales, des salles d’événementiel, des wedding-planner, des fêtes, de mes heures passées sur internet pour trouver de nouvelles inspirations, de connaitre tous les nouveaux trends de ma passion. J’avais presque oublié le cheminement de passer de rendez-vous pro, à devis, création, réalisation et surtout sourires émus et émerveillés de mes clients.
2 mois sans décors floraux et sans fête.
Certes, j’ai transferé ma créativité sur mes crêpes, je leurs propose des nouveaux toppings chaque semaine. J’ai ajouté le cidre chaud sans alcool et je teste un stand de pates à l’italienne avec mon amie.
Je pourrais presque ouvrir une crêperie !
Mon Instagram est envahi par des machines à crêpes et des crêperies du monde entier… Mes crêpes sont attendues et sont même un peu célèbres (selon mes enfants du moins!).
Cette semaine, ces rendez-vous pro sont un peu comme si je retrouvais mon jardin secret.
Je me sens tant à ma place parmi le monde de la joie, des fleurs, de la fête, mais il y a un "MAIS", un réel "MAIS" à cette euphorie.
Alors, reprendre mes rendez-vous pour des mariages et des bar-mitsva, c’est un peu comme revenir à la maison après un long voyage. Je suis si ravie de retrouver mes fleurs, mes prestataires, mon équipe.
C'est un retour attendu vers la normalité . Tout me revient comme si c’était hier. Ma tête se bouscule d’idées.
Au milieu de mes réflexions sur les arrangements floraux, une pensée se glisse pour ces incroyables soldats, nos héros au front.
Je ressens une sorte de culpabilité de ne pas partager ce temps précieux avec ceux qui veillent sur nous.
Depuis le 7 octobre, c’est la première semaine que je fais autre chose que soutenir nos soldats. Bon, je n’ai toujours pas réussi à voir un film ou à lire un livre.
Mais là, je choisis de continuer, de redonner de la couleur et de la joie aux célébrations, en espérant que mes fleurs puissent envoyer un sourire discret à ces soldats qui nous protègent si courageusement.
J’apprends à créer un équilibre entre la joie de reprendre, de la vie, de la fête et la pensée pour ceux qui sont au front. Je continue mon stand de crêpes avec la même intensité, le même amour et le même dévouement. C’est mon stand et eux nos soldats qui me donnent la force de retrouver ma passion et mon métier.
Merci à vous nos soldats de m’aider à retrouver mon « art », même si une part de moi est avec eux et pour eux.
Maintenant, mon objectif est d’offrir la décoration florale pour le mariage d’un soldat que je rencontrerais par hasard sur mon stand de crêpes.
Shabbath shalom et calme